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Au moins, se dit-on, j’aurai la campagne authentique. Pas d’océan, hélas!, ni de terrasse ensoleillée, mais la campagne quotidienne, vaste, labourée, plus ou moins protégée. En ses abords, probablement, des habitations robustes aux murs épais et portes grinçantes, des cheminées gigantesques, des arbres pour voisins. Pour des prix dérisoires, pense-t-on encore.

On déchante vite.

Si grande est l’attractivité du Grand-duché de Luxembourg que les loyers y sont exorbitants, du simple au double par rapport à la capitale belge. Au-delà des frontières, situées dans un mouchoir de poche, les prix baissent effectivement, mais pour s’aligner sur ceux des capitales, rien de moins. Et la campagne authentique y gagne des allures de périphérie verdurée…

Outre « la » ville d’Arlon, mignonne mais embourbée dans des trafics routiers infernaux, s’égrènent des patelins pas si perdus que cela, à voir les aménagements divers, dont certains réellement citadins. Très conscients de l’opportunité de gains que la région leur offre, les propriétaires de maisons anciennes les découpent en appartements à l’aménagement parfois primaire, souvent tape à l’œil, qu’ils lancent sur le marché à prix élevés avec une assurance qui frôle l’arrogance. Pour plaire aux frontaliers d’âge moyen, les villages plus isolés se dotent de l’une ou l’autre – pas plus –  pizzeria, association, activité ludique. On est loin du bon feu de bois.

Qu’importe. Rien ne reste longtemps sur la marché.

Aussi faut-il frapper fort, et vite. Accepter toute heure de visite. Se parer d’un dossier solide – un CDI, indispensable, trois mois de bons salaires, des garants sérieux, eux aussi en CDI grassement rémunéré – , afficher un sourire gagnant (mais pour l’humour, s’abstenir), et serrer de près son smartphone pour proposer de payer d’emblée le premier loyer (d’expérience, une batterie plate ou un 4G trop lent font très mauvais effet). Rester calme, courtois, voire sympa, face aux refus qui ne manquent pas de s’accumuler. Le cas échéant, sombrer dans le Maitrank ou les gosettes aux pommes, en fin de soirée. Puis, le lendemain, repartir en chasse.

Un jour, finalement, la stratégie porte ses fruits, sans que l’on sache ou comprenne pourquoi. Un trousseau de clés en mains (une pour la porte d’entrée, l’autre pour la terrasse, la troisième pour la boîte-aux-lettres, et, ah oui, celle de la pièce d’en bas, et celle de la pièce d’en haut…) on s’effondre sur le matelas sommaire jeté au sol pour la première nuit chez soi.

Le lieu n’est certes ni ceci ni cela, un peu trop ainsi et pas assez comme ça, sans ce critère-ci mais avec cette surprise-là ; il n’est ni l’endroit rêvé ni le dernier choix, mais une sorte d’entre deux confortable, comme celui du vieux copain chez qui on débarque à l’improviste et aux défauts duquel on s’accoutume très vite sans rechigner, ne serait-ce que parce qu’il a ouvert sa porte.  

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